Il n'y a point de société humaine viable, au moins à terme, sans des instances capables de porter ce qui fait l'humanité des humains, capables d'assumer la condition humaine en ce qu'elle a de plus redoutable. Sinon, il en est des sociétés comme des individus : ce qui est méconnu et rejeté dans l'inconscient, se venge et détruit.
Maurice Bellet
Le paradoxe infini
p28
La question de "ce qui fait l'humanité des humains" travaille toute l'oeuvre de Maurice Bellet. Si cela venait à manquer, alors les humains ne seraient plus humains et plus rien de pourrait les protéger de l'auto-destruction, du suicide collectif ou de la folie. L'homme ne serait plus. Il ne serait pas pour autant "redevenu" animal. Il verserait dans l'inhumain. Il ne serait même plus en l'état d'appréhender la parole qui se donne dans les saintes écritures et qui sauve.
Il faut bien voir que "ce qui fait l'humanité des humains" concerne l'essentiel de ce qui fait vivre l'être humain, comme des questions existentielles, des questions de vie et de mort qui sont primordiales à la condition humaine. Il ne peut pas s'agir de vagues discours objectifs et scientifiques qui seraient étrangers à notre subjectivité.
Comme Maurice Bellet, on ne voit pas quelle institution humaine pourrait préserver l'humanité de la déréliction, avec l'accélération du processus déshumanisant : le culte de l'argent, la fureur des pouvoirs. Mais le christianisme est la religion de l'espérance, de l'amour et de la foi. Si l'église, au sens de la communauté de tous les croyants et pas seulement l'église institutionnelle se réveillait de sa léthargie, de sa passivité, de sa connivence avec les forces d'enténèbrement, alors il y aurait à n'en pas douter une chance inouï de construire une humanité du royaume telle qu'elle n'a jamais été. Mais pour le moment, il faut être réaliste, nous allons en accourant de façon accélérée, droit dans le mur de l'anéantissement.
Maurice Bellet n'est pas un prophète de malheur. Dans chacun de ses livres, il y a toujours un "à moins que" inaugural qui amorce un retournement : à moins de percevoir une certaine lumière, d'entendre une certaine parole, de se lever et se mouvoir dans une direction précise, alors le sauvetage de l'humanité, l'établissement du ciel sur la terre est encore possible. Il nous invite à être ce qui fait la grandeur et la dignité ultime de l'humanité et d'avoir le courage de ne pas y renoncer.
Maurice Bellet ne nous donne pas de solution. La solution ne peut dépendre que de chacun, selon là où il en est dans sa vie. Une esquisse de chemin repose sur une prise de conscience individuelle, un questionnement personnel et de l'action que nous avons à mener sans oublier que l'essentiel est dans la relation de l'entre-nous et de notre relation personnelle et collective avec Dieu.
Emylia